On en a beaucoup entendu parler récemment : les taux d’emprunt immobilier augmentent, rompant avec une longue période de crédit peu cher. Les articles de la presse spécialisée se focalisent souvent sur un chiffre (qui flambe), sans vraiment aborder les causes ou les conséquences de cette hausse.
Comment ont évolué les taux durant les décennies passées ? Qu’est-ce qui fait augmenter ou baisser les taux d’emprunt ? Le taux d’emprunt doit-il être le seul facteur déterminant de votre prêt ? Est-ce toujours intéressant d’investir? Patrimolink revient pour vous sur l’évolution récente, et instructive, des taux d’emprunt.
Taux d’intérêt : Définition et fonctionnement
A quoi correspond un taux d’intérêt ? Quand vous contractez un crédit pour investir, vous rémunérez cet emprunt via le taux d’intérêt. Il est exprimé en pourcentage du montant prêté. Ce taux est généralement négocié avec votre banquier, ou un courtier, et obligatoirement mentionné dans votre contrat de crédit. Il s’agit donc du “prix” fixé par la banque pour son service de prêt. Plus le pourcentage est élevé, plus vous payez cher votre crédit.
Ce coût vient s’ajouter au remboursement des traites de votre emprunt. Comme l’explique la Banque Centrale Européenne : si vous empruntez 10 000 euros à un établissement au taux nominal de 3%, vous “rémunérez” votre banque 300 euros par an.
Lorsque vous contractez un prêt, votre interlocuteur vous propose un TAEG (Taux Annuel Effectif Global)
Il comprend (selon le site du gouvernement) :
– le taux d’intérêt
– les frais de dossier
– les éventuels frais de courtage.
– les coûts d’assurance et de garanties obligatoires
– les frais d’ouverture et de tenue d’un compte donné, d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations et des prélèvements à partir de ce compte ainsi que les autres frais liés aux opérations de paiement
Le TAEG n’est donc pas à confondre avec le taux d’intérêt. C’est de ce dernier que va parler en détails cet article.
Rapide historique des taux bancaires
Si les investisseurs se plaignent de la remontée récente des taux d’emprunt immobilier, beaucoup ont oublié que la plupart de leurs parents ont eux-même emprunté autour de 10% pour financer leurs biens immobiliers.
Les années 1980 sont marquées par 2 chocs pétroliers, une forte augmentation de l’inflation, et par ricochet des taux d’emprunt. Le 16 mai 1981, le Monde écrivait : ”Une extraordinaire flambée des taux d’intérêt se produit en France, tous les records historiques étant battus, à long terme comme à court terme.”. Une augmentation importante des taux directeurs a poussé les banques à ajuster leurs taux de base à 14,75%. Bien que temporaire, cette hausse spectaculaire a marqué la décennie 1980. En 1989, il est encore courant d’emprunter (hors assurance) autour de 9%.
Le coût du crédit baisse à partir du début des années 1990. De 9% en 1992, on passe à 5% en moyenne en 1998. L’inflation est progressivement maîtrisée. Les coûts des primes d’assurance baissent. Les durées des emprunts se sont également allongées, ce qui a permis d’alléger les mensualités.
Les taux ont connu une forte baisse à partir du début des années 2001, passant d’une moyenne de 6% à une moyenne de 1% de 2016 à 2022. Ils ont connu un sursaut au cours de 2008 en raison de la crise économique dite “des subprimes”. Les établissements bancaires ont été durablement affectés par cette crise de liquidités, et ont réduit l’accès au crédit.
C’était sans compter sur l’intervention des Banques Centrales bien décidées à relancer l’économie. Dès 2009, un an après le début de la crise en France, la BCE est fortement intervenue pour permettre aux banques de continuer à prêter.
Pourquoi les taux évoluent ?
Ils sont principalement le reflet de la santé de l’économie globale. Quand les indicateurs sont au vert, notamment que l’inflation est basse, que les taux de croissance sont positifs, les taux sont généralement stables.
Par contre, quand l’inflation n’est plus maîtrisée, les Banques Centrales augmentent leurs taux directeurs pour éviter que les prix ne s’envolent. Augmenter les taux directeurs a pour objectif de limiter la circulation de l’argent au sein de l’économie. Il devient plus cher pour les banques de se financer, ce qu’elles répercutent sur leurs taux commerciaux. Avec des taux plus hauts, il devient plus onéreux et souvent plus difficile d’emprunter. La capacité globale d’investissement de l’économie baisse, la consommation se réduit, ce qui a pour effet de limiter l’inflation (selon la doctrine économique dominante aujourd’hui).
De fait, quand les taux augmentent, la production de crédit tend à stagner, voire baisser. En France, l’encours de crédit a vu sa croissance passer de 5.7% en novembre 2022 à 5% en février 2023.
Rappel : la France pratique des taux d’emprunt fixe, une vraie sécurité pour l’emprunteur en cas de crise financière et/ou économique. Une fois votre emprunt signé, la banque ne peut plus augmenter le taux auquel elle vous a prêté. Ce n’est pas le cas dans tous les pays : la crise des subprimes aux Etats-Unis est en grande partie due au surendettement des ménages, suite à l’augmentation rapide de leur taux d’endettement. La valeur de leurs biens immobiliers est devenue inférieure au montant du prêt qu’ils étaient censés rembourser.
Par contre, si les taux diminuent, il vous est tout à fait possible de renégocier (à la baisse) votre emprunt avec votre banque.
Le taux d’emprunt, le seul déterminant de votre prêt ?
Le taux d’emprunt est une composante importante de votre projet de prêt, mais il n’est pas le seul. Vous avez très probablement entendu parler du taux d’usure, qui a récemment gagné en notoriété.
Il s’agit du taux maximal auquel une banque commerciale peut prêter de l’argent. Il en existe plusieurs, en fonction du type de projet accordé. Ils sont fixés par la Banque de France, “à partir des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit augmentés d’un tiers.”. Depuis le 1er février et jusqu’au 1er janvier 2024, il sera révisé mensuellement pour suivre la hausse continue de l’inflation, et donc des taux d’emprunt.
Le taux d’usure a vocation à protéger les consommateurs contre des taux excessifs. Il peut néanmoins s’avérer bloquant quand il reste trop bas. C’est ce qui s’est produit au début de 2023 : la rapide progression des taux commerciaux s’est vite heurté au taux d’usure. D’où le choix des autorités de le recalculer plus régulièrement pour mieux répercuter les évolutions.
Dans cette attente, les emprunteurs ont vu leur capacité d’emprunt se réduire. Les récentes réévaluations du taux d’usure ont cependant pu leur donner un peu d’air. Il a été fixé à 5,56% pour septembre 2023.
Ce qui compte vraiment pour emprunter
Une fois tous ces éléments bien compris, que regarde aujourd’hui vraiment votre banquier au moment d’analyser votre dossier ?
Bien sûr, il va scruter attentivement votre situation professionnelle (type de contrat, catégorie socioprofessionnelle, montant du salaire fixe, …), et personnelle (type d’union, personnes à charge, …). Il va aussi évaluer votre apport personnel, votre patrimoine et la santé de votre situation financière. Mais au-delà de ces informations de base, il y en a d’autres qui ont pris une importance prépondérante ces derniers mois.
Votre taux d’endettement : comme nous l’avons vu précédemment, l’augmentation des taux est devenue une limitation drastique pour de nombreux profils. Il faut en effet rappeler que le Haut Conseil de Sécurité Financière (HCSF) a imposé aux banques une limite de 35% d’endettement pour valider un dossier. Elles peuvent y déroger dans une certaine mesure (30% des dossiers), mais leurs marges de manœuvre sont beaucoup plus limitées.
Il faut préciser que cette dérogation concerne principalement les primo-accédants et les acquéreurs d’une résidence principale. Respectivement 30 et 70% de cette marge de flexibilité doit leur être réservée. Seuls les 30% restants sont réellement libres d’utilisation selon le site economie.gouv, et sont destinés aux investisseurs immobiliers. Ils correspondent à 6% de la production trimestrielle.
Votre taux d’effort : il s’agit du rapport entre vos revenus et vos dépenses courantes, remboursement de vos prêts compris. Le calcul de ce “reste à vivre” permet à la banque d’évaluer en partie votre capacité de remboursement.
Votre capacité de placer du collatéral : avec le contexte inflationniste et la remontée des taux, prêter n’est plus une activité assez lucrative pour les banques. Elles sélectionnent donc davantage leurs clients, notamment sur la base de leur capacité à investir dans d’autres produits bancaires (assurances, cartes, …) et à rapatrier des fonds. En tant qu’emprunteur, être ouvert à la discussion et au compromis n’est plus une option.
La qualité de votre projet : vous le savez sûrement, une nouvelle législation environnementale est entrée en vigueur ces dernières années. Elle impose un nouveau classement des biens immobiliers en fonction de leur performance énergétique. Ce classement est assorti d’un calendrier d’interdictions de mise en location pour les biens les plus énergivores. Tous les établissements bancaires décortiquent donc votre projet d’investissement, afin d’en apprécier la viabilité / rentabilité. A ce sujet, retrouvez plus d’informations sur ce qui valorise, ou dévalorise un bien en 2023, dans notre article en ligne.
Le taux d’emprunt est donc une composante importante de votre investissement, mais ce n’est pas le seul. Un projet d’emprunt réussi ne tient plus à un gros apport, mais il se construit grâce à une connaissance actualisée du contexte bancaire.
Avec plusieurs années de financement dans des conditions exceptionnellement basses, nous avions tous oublié qu’emprunter pouvait avoir un coût. Avec des taux avoisinant les 4,5% aujourd’hui, beaucoup se posent la question de la pertinence de lancer un prêt. Pourtant, avec des taux fixes, et en-dessous du niveau de l’inflation, emprunter reste une solution sûre et pertinente pour préparer son avenir. L’emprunt immobilier offre une source d’enrichissement intéressante grâce à un effet de levier prouvé. Investir sans emprunter peut également être une solution pertinente sur certaines structurations, notamment la Nue-Propriété.
Quel que soit votre mode de financement, la constitution d’un patrimoine offre une protection solide et de long terme, contre les aléas de l’économie.
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