article Patrimolink analyse bilan mi-parcours 2023

Le marché immobilier Français en 2023 : Analyse et bilan à mi-parcours

article Patrimolink analyse bilan mi-parcours 2023

 

Chez les Notaires, il est de coutume de dire que “l’année immobilière se fait au printemps et que le mois de mars est décisif dans la trajectoire que prendra le marché”. Ce ne sera visiblement pas le cas pour 2023 qui montre encore des changements d’orientation clairs depuis cette date.

On entend beaucoup parler de “retournement de marché” dans la presse. Est-ce vraiment le cas ? De nombreux articles analysent la baisse des prix immobiliers, dans un contexte de hausse des taux d’emprunt. Quels sont les biens réellement concernés ? Sur quelles marges de réduction compter ?

La pandémie de Covid-19 est enfin derrière nous. Elle avait initié plusieurs tendances de fond, comme un afflux de demande vers les maisons anciennes et une vague de départs depuis les métropoles. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Sur base de ces premiers chiffres et de ces tendances, PATRIMOLINK vous propose une analyse du marché immobilier en cette rentrée. 

 

NB : Le marché immobilier français est animé par deux principales catégories d’acteurs : les ménages acquérant leur résidence principale, et les investisseurs. C’est dans l’optique de cette seconde catégorie que nous avons rédigé cet article. 


Une baisse tendancielle du marché, sans effondrement

Dans leur Note de Conjoncture de janvier 2023, les Notaires s’interrogaient sur la baisse des volumes de ventes :  “Rééquilibrage ou baisse structurelle ?” Leur analyse de mai est beaucoup plus tranchée et titre : « Changement d’ère » 

Même s’ils restent hauts, les chiffres du volume de transactions indiquent un ralentissement depuis le 4e trimestre 2021. Il s’est accéléré depuis février 2023 (-8,1%), et atteint -12,8% sur un an en Mai 2023, prouvant qu’il est devenu tendanciel.

Le pic de ventes enregistré entre avril 2021 et février 2022 est retombé (+23% d’activité sur 1 an). Il avait été analysé comme une sorte d’anomalie, résultat de l’addition d’un rattrapage post-Covid et d’une anticipation de changements structurels du marché (hausse des taux, entrée en vigueur de la nouvelle loi Climat et Résilience).

Le reflux du nombre de transactions touche le marché de façon hétérogène. Les grandes villes, notamment en Île de France, sont concernées. Dans cette région, les ventes se sont affaissées de 22% au premier trimestre sur un an. Le marché de la maison individuelle, très tendu depuis la crise de la Covid, est notamment affecté (-25%). Dans ce cas précis, deux facteurs sont à l’œuvre : le durcissement des conditions de prêt et la fin de la ruée vers les banlieues de citadins en quête d’espace.

Les ventes de maisons anciennes constituent un marché constamment dynamique, celui de l’acquisition de résidences principales (comparativement plus que les appartements) et cette baisse pourrait être conjoncturelle. Elle ne s’observe d’ailleurs pas dans d’autres régions. La hausse des taux d’intérêt a réduit la possibilité d’effet de levier pour les particuliers : s’ils pouvaient auparavant emprunter à 110%, ils doivent aujourd’hui composer avec une inflation en hausse qui grève leur budget et les exigences des banques en matière d’apport.

Volume des ventes Notaires de France

Après une période d’exception avec des chiffres record entre 2019 et 2022, cette baisse est vue par les acteurs du marché comme une simple remise à niveau du marché, boosté artificiellement ces dernières années par les taux bas et les conditions d’octroi des crédits, ainsi que les mutations structurelles causées par le Covid-19. Nous nous attendons donc effectivement à revenir à un volume moins élevé mais plus conforme à la démographie et aux mutations classiques actuelles, avec une population qui ne cesse de croître et une offre qui se raréfie.

 

Des prix en baisse ? Oui, mais pas partout et pas pour tous les biens

Annoncée à tour de bras par les médias spécialisés, la baisse des prix immobiliers commence à s’observer mais n’est pas encore généralisée. Les Notaires notent cependant un “changement de tendance important”. 

Si les indices annuels montrent encore une hausse modérée des prix (+1,3%), les relevés sur 3 mois affichent une baisse globale de -0,9%, sur les biens individuels comme collectifs. Les chiffres annuels masquent donc encore un vrai recul des prix en 2023.

Evolution des prix immobilier - Notaires de France

 

NB : La diminution du nombre de transactions pourrait laisser croire que les prix vont aussi brutalement chuter. L’exemple de la crise de 2008 montre que ce n’est pas un automatisme. 564 000 ventes ont été enregistrées en 2009, 32% de moins que l’année précédente. Pourtant, le coût du m² n’a baissé que de 10% très brièvement, avant de remonter au niveau d’avant le krach boursier. La crise n’a donc pas eu d’impact durable sur les moyennes de prix. Les notaires ne s’attendent pas à un effondrement du marché cette année en 2023.

Des marges de négociation apparaissent néanmoins, là où elles étaient impossibles encore quelques mois auparavant. Elles concernent avant tout les biens avec défaut. Les passoires énergétiques, surtout celles dont les loyers sont gelés et qui sont interdites (ou bientôt interdites) de mise en location, sont les premières concernées. Une maison ancienne classée G pourrait perdre entre 3 et 19% de sa valeur, selon le rapport la valeur verte des logements en 2021 des Notaires. La décote peut aller jusqu’à 11% pour un appartement ancien. La perspective de travaux coûteux pour pouvoir louer refroidit l’intérêt des acheteurs.

évolution des prix immobilier par ville

Source FNAIM

 

Les grandes villes comme Paris, Nantes ou Lyon, sont également touchées, à l’exception notable de Nice. Même si elles restent très attractives, car la tension locative y est forte, les professionnels y relèvent des dévaluations allant de 0,5 à 1% et une baisse de la demande. La raison principale tient aux prix au m2, encore très hauts, et à la difficulté de décrocher un prêt pour y investir. De nombreux propriétaires rechignent encore à baisser leur prix de vente.

Autre composante dans le cas des villes comme Paris : 50% de l’immobilier date d’avant 1945 et compte une majorité de passoires thermiques, de plus en plus difficiles à financer auprès des banques. 

Si l’attractivité des métropoles empêche une chute brutale des prix, la demande tend à baisser pour les logements les plus onéreux et les prix s’en ressentent. Pour les Notaires, on peut y voir une correction saine du marché.

variation indice des prix - Notaires de France

 

Les professionnels du secteur remarquent que les investisseurs sont tentés de repousser leur achat, car ils anticipent une baisse des prix. Mais c’est sans compter sur la hausse des taux immobiliers. Attendre c’est prendre le risque de ne plus être solvable auprès de la banque.

Quoi qu’il en soit, il faut garder en tête que le marché français est soutenu par des tendances fortes et pérennes : une démographie positive, une demande locative croissante, et un manque chronique de biens immobiliers. La population française  a crû de 12 millions de personnes en 45 ans, une hausse moyenne de 0,52% par an. De plus en plus de foyers comprennent une ou deux personnes (hausse du nombre de divorces, allongement de la durée de vie). Le nombre de logements vacants a explosé avec la multiplication des résidences secondaires (700 000 à 3,6 millions en 50 ans). En parallèle, le parc immobilier n’augmente que trop peu, surtout depuis la crise de 2007-2008 (+0.9% par an en moyenne). Ces tendances maintiennent les prix à un niveau élevé, depuis de nombreuses années déjà.

 

Les tendances post-covid qui s’estompent ou se confirment

Les confinements successifs ont instauré de nouvelles habitudes chez les Français, notamment celle du télétravail. 2021 et 2022 avaient ainsi été marquées par des départs depuis les métropoles, vers des villes moyennes à la qualité de vie plus attractive (logements plus grands, espaces extérieurs, prix plus abordables au m2). 

Cette tendance persiste aujourd’hui, dans une moindre mesure. Les professionnels du secteur notent par exemple moins de départs de franciliens. Fin 2021, leur part dans les acheteurs globaux augmentait dans presque tous les départements. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et leur nombre baisse. Le rejet de la ville semble s’estomper chez les investisseurs, tout comme l’appel de la campagne.

Part des acheteurs franciliens

 

Une tendance post-covid collatérale qui semble s’être installée cette année est l’intensification des demandes de maisons anciennes. Elle est principalement localisée dans les villes moyennes dynamiques économiquement, les littoraux, et les régions bien connectées en transports en commun (TGV). Depuis le début de 2021, le prix des maisons de province a augmenté de 8,6%, soit plus que celui des appartements 7,1%.  

valeur verte logements 2021

 

Autre dynamique qui ne se dément pas, c’est l’impact de la législation environnementale sur la valorisation des biens. Qu’on l’appelle “valeur verte des logements” comme les notaires, ou le “bonus/malus » comme d’autres professionnels du secteur, le constat est le même : une propriété mal notée (E, F ou G) perd de la valeur. Cette perte est plus ou moins importante selon la localisation. Un bien situé dans une zone avec une forte tension locative en pâtira moins qu’un bien excentré. 

Cette décote tient à plusieurs facteurs. La nouvelle Loi Climat et Résilience prévoit une interdiction progressive de mise en location pour les biens trop énergivores. Au 1er janvier 2023 pour les étiquettes G les plus consommatrices, au 1er janvier 2028 pour toutes les étiquettes F et G, et au 1er janvier 2035 pour les étiquettes E. Cette perspective a provoqué un afflux de biens mal notés sur le marché, avec pour conséquences des marges de négociations plus importantes. Les propriétaires ne souhaitent pas tous entreprendre de lourds travaux de rénovation énergétique (isolation par l’extérieur, changement de type de chauffage), devenus de plus en plus coûteux avec l’inflation.

Autre facteur à garder en tête, les banques sont devenues réticentes à financer ces logements. C’est compréhensible : ils seront chers à remettre en état locatif, ou difficilement louables sur le long terme.

estimation coût travaux rénovation énergétique

Source : Effy

Un autre contrecoup de la pandémie à garder en tête est la prolongation du bouclier loyer jusqu’au début de l’année 2024. Elle a été votée le 28 juin dernier par l’Assemblée. Ce dispositif vise à protéger les locataires contre une augmentation trop forte des loyers, en lien avec l’inflation. Le bouclier plafonne l’augmentation des loyers à 3,5%, alors que l’inflation atteignait 5,1% en mai 2023 (chiffre annuel Insee).

 

Un contexte d’emprunt toujours contraint

60% des investisseurs recourent au prêt pour financer leur projet. Entre la hausse des taux d’emprunt, et les restrictions du Haut Conseil de Sécurité Financière (HCSF), l’environnement d’emprunt est devenu plus nuageux. Pour mémoire, les taux d’emprunt ont commencé à augmenter fin 2022, dans le sillage de l’inflation. Il avaient connu une longue période de stagnation autour de 1 % depuis la fin des années 2010. Entre juillet 2022 et mai 2023, la moyenne des taux a connu un bon de 1,10% à plus de 4,5%. Si la hausse paraît limitée, elle a significativement renchérit le coût du prêt pour les investisseurs. 

Elle a aussi contribué à bloquer de nombreux dossiers en raison du taux d’usure (le taux maximal auquel une banque peut prêter, assurance incluse). 

Depuis 2022, le HCSF impose aux banques de respecter une série de critères pour sélectionner leurs débiteurs. Leur taux d’endettement ne doit pas dépasser 35%, et la durée d’emprunt ne pourra pas excéder 25 ans (20 pour les non-résidents en général). Des dérogations sont possibles, mais dans une certaine limite des dossiers. 

L’horizon est pourtant en train de s’éclaircir : la révision mensuelle du taux d’usure a permis de redonner de la marge de manœuvre aux banques. En septembre 2023, ils sont passé 5,56% pour les prêts de plus de 20 ans. Certes, les taux vont, semble-t-il, continuer à augmenter, mais le taux d’usure suivra plus régulièrement et devrait éviter de nouveaux blocages massifs. 

Le Haut Conseil de Sécurité Financière a également assoupli ses règles. Les banques sont toujours contraintes par un taux d’endettement (limité à 35%) et la durée d’emprunt (25 ans, ou 20 ans pour les non-résidents) maximaux, mais leur marge de dérogation est passée de 20 à 30%. 

taux d'usure - que retenir

 

Il faut également rappeler que cette hausse des taux, somme toute modérée au regard de ce qui se passe ailleurs en Europe, intervient après des années de taux exceptionnellement bas. Elle reste dans le cadre d’une normalisation attendue par les professionnels du secteur. De plus, avec un taux d’inflation qui avoisine les 4,9% en septembre 2023, les taux d’emprunt réel (déflatés de l’inflation) restent intéressants

Reste que les banques ont vu leurs marges rognées par la montée de l’inflation, et qu’elles sont devenues de plus en plus regardantes sur les dossiers qu’elles vont financer. Ne gagnant plus d’argent sur le prêt lui-même, elles cherchent à lui adjoindre davantage de collatéraux plus lucratifs (assurances, cartes de crédits, rapatriements de fonds, …).

 

 

Alors, l’année immobilière ne s’est donc clairement pas faite au printemps, et des tendances nouvelles se sont dessinées depuis.

Après des années fastes et record, le marché immobilier français est en phase de normalisation. Les volumes de ventes baissent progressivement, et on commence à voir apparaître des réductions de prix sur certains types de biens. Avec les Notaires de France, nous pouvons dire qu’aucun retournement complet ou effondrement du marché n’est prévisible à ce stade.

De nouveaux facteurs législatifs et conjoncturels sont venus modifier la valorisation des biens. En premier lieu, la nouvelle loi Climat et résilience, qui pénalise les logements les plus consommateurs d’énergie. C’est un facteur à garder en tête pour investir sereinement, sur le long terme. 

L’immobilier français reste un marché stable, avec des évolutions saines et prévisibles. Il comporte de nombreux mécanismes de protection pour l’investisseur contribuable et emprunteur. C’est probablement pourquoi l’immobilier reste une valeur refuge : selon la FNAIM, l’immobilier reste le placement privilégié des Français (68% de leur patrimoine net). 

 

 

 

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