Investir dans l’immobilier n’est pas un acte anodin, et encore moins quand on se lance à deux. Séparation, décès : les aléas de la vie peuvent avoir des impacts importants sur la gestion d’un patrimoine acquis par un couple. Bien connaître et bien choisir son régime matrimonial est clé. Couples mixtes, résidences à l’étranger : chaque cas est particulier, et il n’y a pas de « bon » choix évident. Sans trop rentrer dans les détails (complexes) du droit des régimes matrimoniaux, Patrimolink vous donne quelques clés pour comprendre les contours de votre régime et vous aider à mieux anticiper ses implications.
Qu’est-ce qu’un régime matrimonial ?
Il s’agit du cadre légal applicable aux rapports patrimoniaux entre les deux époux. Il détermine (entre autres) les règles qui vont régir le droit de propriété de chaque conjoint sur le patrimoine immobilier du couple, tout au long de leur vie maritale.
Il est librement choisi par les mariés et prend généralement la forme d’un contrat. Signé devant notaire, ce document permet d’opter pour l’un des régimes matrimoniaux prévus par la loi ou d’établir des règles personnalisées pour la gestion du patrimoine des époux.
Il établit notamment la différence entre les biens « communs » et « propres ». On entend par biens communs ceux acquis pendant le mariage et/ou possédés par les conjoints à part égale. On entend par biens propres ceux que chacun des époux possédait au jour de son union, les biens acquis par donation ou héritage et ceux qu’il va acquérir à son nom, pendant le mariage.
À noter : l’Article 1402 du Code civil stipule que tout bien meuble ou immeuble est réputé commun, sauf preuve du contraire (marque écrite, inventaire devant notaire, titre, mais aussi témoignage, présomption).
Qu’en est-il du PACS ?
Comme pour un mariage, le PACS (Pacte Civil de Solidarité) prévoit des dispositions légales concernant la gestion du patrimoine. Sauf choix contraire (indivision), c’est la séparation des biens qui est appliquée.
À noter : expatriés, renseignez-vous bien auprès des autorités de votre pays de résidence. En effet, le PACS français n’a de valeur juridique que sur le territoire national. Néanmoins, d’autres pays ont mis en place des unions civiles offrant des droits et obligations similaires. Il est donc possible que votre partenariat soit tout, ou en partie, reconnu. Il est aussi possible que les conditions requises et des engagements soient différents, d’où l’importance de bien s’informer.
En l’absence de contrat, comment est fixé le régime matrimonial ?
Même sans contrat, il faut savoir qu’un régime matrimonial sera appliqué par défaut. Il dépend principalement de votre lieu de résidence. La mondialisation et l’augmentation du nombre de mariages binationaux ont poussé la législation à s’adapter. Plusieurs textes sont en vigueur, appliqués en fonction de la date de célébration de l’alliance.
Pour les unions conclues avant le 1er septembre 1992, la jurisprudence Gouthertz retient la première résidence des époux comme « présomption » de leur choix de régime matrimonial. Le principe est progressivement devenu trop ténu pour définir un cadre légal durable.
Pour les unions conclues entre le 1er septembre 1992 (date d’entrée en vigueur) et le 29 janvier 2019, la Convention de la Haye du 14 mars 1978 retient également la première résidence commune comme critère d’attribution du régime matrimonial. A défaut, un autre critère a été ajouté : la loi nationale commune des époux. Par exemple, si un Franco-Coréen épouse une Franco-Russe, c’est la législation française qui pourra être appliquée pour définir le régime matrimonial.
En cas de déménagement du couple dans un autre pays, la Convention prévoit un changement automatique de législation applicable. Cette mutabilité peut être immédiate si les époux choisissent de résider dans leur pays de nationalité commune. Elle peut aussi être différée : la loi applicable changera au bout de 10 ans de résidence dans le nouveau pays. Dans ce cas, la loi applicable dans le nouvel État de résidence va se substituer à la loi précédemment applicable.
À noter : la mutabilité automatique ne concerne que les couples unis entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019. Les partenaires ayant choisi un régime matrimonial ou établi un contrat de mariage ne sont pas concernés. De plus, ces changements n’ont pas d’effet rétroactif. Les époux auront donc plusieurs régimes à terminer avant de changer de cadre légal.
Ces mutations entraînent une insécurité juridique pour le couple. Le règlement européen du 24 juin 2016 a donc mis fin au caractère automatique de changement de régime matrimonial en cas de déménagement.
Pour les unions conclues après le 29 janvier 2019, le règlement UE 2016/1103 établit la possibilité de choisir la loi applicable : soit celle d’un des États (même hors-Union Européenne) dont au moins un des conjoints possède la nationalité, soit celle de leur résidence habituelle au moment du choix.
À défaut de désignation formalisée, le législateur retient la première résidence habituelle des partenaires comme critère de choix de la loi applicable. S’il n’y pas de résidence principale, ce sera « la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, les époux présentent les liens les plus étroits ».
Si vous êtes expatrié, il est donc vivement conseillé de faire dicter la loi qui encadrera votre union, par une déclaration devant un notaire ou le Consul de votre pays de résidence. Cette démarche vous évitera bien des mauvaises surprises au moment d’une séparation ou d’une succession.
Quel régime matrimonial choisir ?
Il n’y a pas de « bon » ou de « mauvais » régime matrimonial. Votre choix dépendra de votre patrimoine (commun et/ou respectif), de votre situation professionnelle et personnelle (remariage par exemple).
Il existe deux grandes familles de régimes matrimoniaux : les régimes communautaristes et les régimes séparatistes. Les régimes les plus fréquents sont la séparation des biens et la communauté réduite aux acquêts. La participation aux acquêts est moins habituelle, elle est néanmoins appliquée en Allemagne, Autriche voire Hong-Kong ou Singapour (équivalence).
La communauté universelle est devenue plus rare, on la retrouve dans les pays Scandinaves.
La séparation des biens : l’indépendance patrimoniale
Ce régime prévoit que chacun des époux possède et gère ses biens propres, exception faite de la résidence principale. Le couple peut aussi choisir d’investir en commun, par exemple en indivision ou via une société d’acquêts.
Le régime de la séparation garantit l’indépendance patrimoniale de chacun.
En cas de disparition de l’un des conjoints, le survivant conserve ses biens propres et hérite de la moitié des biens acquis en communs. Ce qu’il advient des biens propres du défunt va dépendre de l’organisation de la succession. Les époux peuvent décider, via un testament ou un contrat, des droits de tous les héritiers.
Points d’attention
Les biens achetés en commun sont considérés indivis et c’est par acte de notaire que sera fixée la part de propriété de chacun. Cette mention n’est pas à négliger. En cas de séparation, si l’un des époux a davantage contribué à l’investissement (remboursement du prêt par exemple), il pourra se sentir lésé s’il ne récupère que la moitié de la valeur du bien. C’est une source de litige fréquente. Très souvent, les conjoints mariés sous le régime de la séparation des biens mettent « en commun » leurs ressources au cours du mariage. Au moment du divorce, il peut ainsi être difficile de retrouver qui a payé et combien, lors de l’acquisition d’un bien.
La communauté réduite aux acquêts : le régime légal en France
Ce régime prévoit que les biens achetés pendant la période du mariage sont communs. Par contre, les biens acquis avant l’union ou par donation, succession, legs (même pendant le mariage) sont réputés personnels.
Points d’attention
Lorsque les époux décident de se séparer, chacun récupère ses biens propres. C’est la partie commune, soumise à l’indivision, qui peut poser problème. Toutes les décisions concernant ces biens, comme une vente, doivent être prises à l’unanimité.
Lorsque l’un des époux disparaît, la succession s’organise autour de 3 volets : les biens propres de chacun et les biens communs. Le conjoint survivant conserve ses biens propres, il obtient la moitié du patrimoine commun et hérite d’une partie de l’autre moitié.
Prenons un exemple concret pour mieux comprendre la succession sous ce régime :
A et Mme. A sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. Madame décède, son patrimoine propre se monte à 10 K€, le patrimoine propre de Monsieur à 14 K€ et leur patrimoine commun 30 K€.
Monsieur récupère ses biens propres, pour un montant de 14 K€, et la part de biens communs qui lui revient, soit 15 K€.
Monsieur doit ensuite hériter sur les 15 K€ de biens communs restants et les 10 K€ de biens propres de Madame, pour un total de 25 K€.
Il perçoit la totalité des 25 K€ s’il n’y a ni descendants et d’ascendants. S’ils ont des enfants, Monsieur peut choisir entre ¼ du total du patrimoine en pleine propriété, soit 6250 € ou le total, 25 K€, en usufruit. Les enfants hériteront donc soit des ¾ en pleine propriété ou de la totalité en nue-propriété.
Cette succession peut être modifiée par des clauses particulières. Il s’agit de la clause d’attribution intégrale (la totalité des biens revient au survivant), la clause de préciput (les biens définis au préalable reviendront au survivant), et la clause de partage inégal (le survivant recevra une proportion de biens définie au préalable).
La participation aux acquêts : un régime hybride
Ce régime combine séparation et communauté des biens. Pendant la durée de l’union, les patrimoines sont séparés. Chaque époux en garde la propriété et gestion exclusive. À la fin du mariage, ils deviennent communs, comme sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. Il faut cependant noter que les biens acquis par donation ou par héritage restent la propriété personnelle de chaque partenaire, pendant, mais aussi après le mariage.
En cas de décès, le survivant hérite de la moitié des biens du défunt. La succession va décider de la répartition du reste de patrimoine entre les héritiers.
À noter : c’est le régime le plus fréquemment utilisé si l’un des partenaires exerce une profession dite « à risque » (chef d’entreprise par exemple). Dans ce cadre, les dettes ne sont pas mutualisées.
Points d’attention
Ce type d’union est particulièrement difficile à dissoudre et peut aboutir, paradoxalement, à des situations injustes.
Comment est-ce que cela fonctionne concrètement ?
Au moment de la dissolution (changement de régime matrimonial ou divorce), chaque conjoint garde ses biens propres, acquis avant ou pendant le mariage. Leurs acquêts respectifs sont additionnés pour calculer l’accroissement de richesse du couple. Le calcul est effectué par un notaire. L’accroissement de richesse commun est divisé en deux parties égales et ajouté au patrimoine initial de chaque époux.
Prenons un exemple pour mieux comprendre :
A et Mme. A sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts. Ils décident de se séparer.
Patrimoine de M. A : Biens propres : 20 K€ / Bien acquis pendant l’union : 40 K€ / Montant des acquêts : 10 K€
Patrimoine de Mme. A : Biens propres : 30 K€ / Bien acquis pendant l’union : 70 K€ / Montant des acquêts : 40 K€
Pendant leur union, M. A s’est enrichi de 10 K€, Mme. A s’est enrichie de 40 K€. Celui qui s’est le plus enrichi va devoir reverser une partie de ses gains à l’autre. Elle se monte à la moitié de la différence entre les deux acquêts :
40 000 – 10 000 = 30 000
30 000/2 = 15 000
Mme. A va donc reverser 15 000 € à M. A.
Ce régime vise à protéger le conjoint le moins favorisé à l’issue du mariage. Néanmoins, si le conjoint le plus pauvre au moment de l’union s’enrichit au cours de la vie maritale, il perdra la moitié de son capital au moment du partage.
La communauté universelle des biens : un régime en désuétude
La communauté était le régime légal avant 1966. Il est aujourd’hui devenu plutôt rare.
Ce régime voit le couple comme une unité. Peu importe qui finance l’achat d’un bien ou qui signe l’acte de vente, il est réputé appartenir aux deux époux également. Par exemple, si l’épouse achète un logement avec des fonds personnels reçus d’un héritage, il devient théoriquement commun au foyer, ou indivis. Théoriquement, car il est possible de faire inscrire une mention contraire dans l’acte de vente. Autre cas de figure : quand le bien est acheté avec des fonds personnels et communs. Si le bien est payé avec une part personnelle plus importante que la part commune, le bien sera réputé personnel.
Si les conjoints se séparent : sauf mention contraire dans le contrat de mariage, le patrimoine est divisé en deux parts égales.
Points d’attention
En cas de décès de l’un des conjoints, le survivant obtient automatiquement la moitié du patrimoine, mais pas la totalité. En effet, le mariage sous la communauté universelle prévoit la mise en commun des biens durant l’union. Lorsqu’elle se termine avec le décès d’un époux, la communauté prend fin. Il est indispensable d’avoir intégré une clause d’attribution intégrale au survivant dans le contrat de mariage pour que tout lui revienne. Cette clause est irrévocable, elle ne peut être annulée qu’avec un changement de régime matrimonial. Elle protège le survivant en lui assurant des ressources pour vivre. En l’absence de clause d’attribution intégrale, les autres ayants droits héritent de la moitié du patrimoine.
Il faut le savoir : toute union légalement célébrée est encadrée par un régime matrimonial. Une personne qui souhaite investir en couple doit donc s’informer sur les implications de son propre régime avant de se lancer. Le droit des régimes matrimoniaux est complexe, surtout quand des notions de non-résidence et de bi-nationalité viennent s’ajouter. Le plus judicieux est de se faire accompagner par un notaire familier avec l’expatriation. Chaque cas étant particulier, le conseil devra en effet être personnalisé pour éviter les mauvaises surprises. Patrimolink vous accompagne dans vos projets d’investissement et la recherche de vos partenaires.
Contenu regroupé à titre informatif ne se substituant pas à la règlementation en vigueur. Sans consultation avec nos experts, Patrimolink ne pourra être tenu responsable des éventuelles conséquences de la mise en pratique des conseils et informations fournis dans cet article.